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Blog - Méditations - La voix - Démoparty - La techno - Je est un autre

VERTICALE : UN FUTUR D'AUJOURD'HUI

HORIZONTALE : LA PASSION


Une Démo-Party, qu'est ce que c'est ?

Un évènement ayant lieu pendant un week-end de trois jours, dans un grand local : généralement une salle de fête ou une salle polyvalente, couverte de tables et de chaises, elles même recouvertes jusqu'à la moindre parcelle, d'ordinateurs, de câbles qui se rejoignent et s'entrecroisent en tous sens, de disquettes, de cd roms, de tournevis, de manettes de jeu, de consoles. Devant toute cette débauche de matériel se tiennent des fondus, des mordus d'informatique, de programmation, de graphisme, d'infographie.
La raison officielle de la réunion est un concours: de programmation de visuels, d'images de synthèses, de musiques électroniques, ainsi que de jeux en réseaux. Dix à vingt pour cents des gens présents y participent. Les créations, souvent réalisées sur le lieu même et pendant la durée de l'évènement sont destinées à être projetées sur grand écran le dernier jour, pour que la salle puisse voter et élire les meilleures de leur catégorie.
Les autres sont là pour le plaisir, pour les rencontres, les échanges et pour l'ambiance en elle-même. Trois jours non-stop pour se retrouver en famille de passionnés. Une salle de repos est toujours là pour que les gens raisonnables puissent se reposer quelques heures. Les autres tournent au café, aux bouteilles de coca offertes par le supermarché du coin ( une par participant ) ou au thé - et finissent généralement par s'écrouler dans un coma profond sur leur clavier, ou la tête appuyée sur l'écran -. Pendant ce temps, l'écran géant projette continuellement des démos.

La démo est la catégorie reine des créations : c'est une sorte de court-métrage informatique d'une demi-douzaine de minutes, réunissant de nombreux effets visuels régulièrement psychédéliques et d'une musique ( ou effets sonores ) donnant la cadence au virevoltage des images : des tunnels infinis, des poissons qui dansent, des plongeons dans des forêts de couleurs, des courbes qui évoluent laissant apparaître des dessins fugitifs bientôt remplacés par d'autres, des paysages féeriques se dévoilant dans une aurore virtuelle au son de petites clochettes, des routes où l'on fonce vers le soleil, des batailles de centaines de vaisseaux spatiaux sur des sonorités graves de musique classique, d'incrustation de sa propre photo dans un univers rotatif où les dents sont toujours brillantes, d'histoires où le destin de la terre et de la galaxie ne tiennent qu'à un fil, et d'autres toons mutagènes battant la cadence d'une musique disjonctée.
Les démos sont une belle démonstration de la beauté des mathématiques et des charmes de la trigonométrie. L'origine d'un objet représenté en trois dimensions sur un écran plat, sera toujours Pythagore. Il est superbe de voir un dessin sur lequel passe une simulation de liquide : ce ne serait pas possible sans des formules de distorsion optique, si les vecteurs n'avaient jamais étés inventés. Et l'on remercie les racines carrées lorsque ondulent sous nos yeux des lignes colorées, dansant artistiquement dans une légère rémanence.

Quel merveilleux univers que l'informatique qui permet à toute personne un peu motivée, de réaliser son propre film à grand spectacle, de faire vivre un univers tout droit sorti de son imagination. Son "Alien" ou "Terminator 2" de dix minutes, construit en trois jours grace à la connaissance et l'expérience acquise d'un ou deux logiciels de création tridimensionnelle, ou de programmation. Parmi la foultitude de programmes le permettant il suffit d'en choisir un et de s'y mettre ; généralement en fonction de l'attirance de son interface, ou alors d'un hasard : ce sera le premier qu'on aura eu de ce genre, et une fois qu'on le connaît bien - mais que l'on n'a pas encore atteint ses limites -, on n'a pas envie d'en changer, mais on pourra en trouver d'autres qui le complèteront. Ces logiciels permettent de devenir son propre "Maître de l'Image", dans une société où elles nous sont imposées à tire-larigot, dans un monde ou le choc visuel est une arme de combat commercial autorisée, où le design est un cheval de bataille. Où son contrôle est signe de force, de puissance, où la télé est un formidable moyen de contrôle de la population ( par l'information, la désinformation et pire, la non-information : "ce qui est dit est vrai" ; "ce qui n'est pas dit n'existe pas, ou n'est pas digne d'intérêt" ) . Se rendre compte que l'on maîtrise cette force et que l'on joue avec pour son propre plaisir, rend joyeux et confiant en soi : qu'on projette une démo déjà très bien réalisée en elle-même ( les spectateurs se disent déjà "qu'est-ce qu'on est fort !" ) , et qu'elle fasse en plus une reprise-clin d'œil heureux à un grand film à succès, pour que la salle s'élève en éclat de rire, puis en tonnerre d'applaudissements.

Une démo party est un potentiel fantastique, un énorme réservoir d'idées, de créativité, de passion, d'éclats, de nouveautées, de découverte. De présentation de ses propres créations, du spectacle de celles des autres. Du plaisir d'être entre connaisseurs. Des rencontres entre vieux routards s'opèrent devant une machine ayant dix ans d'âge, surdépassée, qui est là dans le cadre d'une exposition "l'histoire de la micro". Elle date déjà de l'âge de pierre, mais on y a fait ses débuts. Ses premiers ébats informatiques. Ses premières lignes de programmation. On se retrouve tels de grands enfants, à se battre pour avoir le clavier et retrouver la magie de ces premiers instants, où après avoir rentré quelques lignes de code, l'écran se mettait à vivre, à dessiner des spirales et fractales mathématiques en 16 couleurs ( performance qui nous émerveillait à l'époque ) et d'une musique horriblement électronique, ou le la, le ré, et le do ressemblent tous à "bip". Simultanément, on garde un œil sur l'écran où les couleurs se comptent désormais par millions, en musique multistéréophonique 32 voies... Et l'on sait que ce n'est pas fini, que la ligne d'évolution qui joint le vieux Thomson TO7 70 sur lequel on est, à l'ordinateur qui diffuse pour l'assemblée passe derrière le mur, et continue dans le futur. Que cette évolution n'est pas prête de s'arrêter, et que nous sommes immergés dans ce flot le temps d'un week-end. On prend plaisir devant ce vieux coucou à se remettre dans la peau de l'enfant qui n'osait imaginer voir des productions d'une telle qualité avant la fin de sa vie ; que le présent a dépassé toutes nos anciennes espérances, et même celles de grands écrivains de science-fiction et d'anticipation, qui prévoyaient pour dans deux cent ou cinq cents ans des machines dépassées depuis six mois. La technologie, les performances, la puissance, le réalisme, la vitesse ne cessent d'évoluer, et l'on vient dans ce genre de lieux pour s'en rendre compte en avant première, pour s'en enivrer par la forte concentration de futur technologique au m2.

Une démo party est un paysage de rebellion informatique, de pirates, de "hackers", où l'on se prête et s'échange à l'envie des Cd Roms remplis de Cd Audio complets et compressés. D'artistes du monde entier, de musiques de films, de tubes. Quelques secondes avec le Cd Rom dans son lecteur, et dix albums se retrouvent stoqués sur son disque dur en l'espace d'une petite minute, avec un son de qualité numérique. C'est de la copie cassette à la puissance dix. Ce genre d'échange est un vrai résumé d'Internet. Toutes les données de ces Cd que l'on se prête en proviennent directement. De se rencontrer physiquement élimine les contraintes de temps de téléchargement et offre un choix fantastique en un minimum de temps de recherche. Une représentation physique et de masse du comportement de millions d'internautes, de "pirates". Le terme n'est pas parfaitement approprié. Un vrai pirate les appelle de simples copieurs de Cd. Il va sans dire que les logiciels informatiques, et jeux de toutes sortes n'échappent pas à cette règle. La technique est facile, cela aidant cette énorme expansion au niveau mondial. Néanmoins l'argent ne rentrant plus dans les poches des grosses majors de disques passe désormais dans celles des constructeurs et fabricants informatiques qui permettent cela et le développent. Des requins ont réussi à l'être plus que d'autres sur le terrain de la chasse au consommateur, du combat de marché, de la mode, de la récupération des comportements humains à son profit. D'autres commerciaux de tout poil se disent : Alors comme ca on va beaucoup sur Internet pour truander ? Il faut vite y mettre de la pub ! Le malheur des uns fait le bonheur des autres... qui est parfois le même quand on voit le département hi-fi d'une grande major de disque, proposer son propre graveur Cd... mais n'en faisant pas trop de publicité, que ceux qui doivent l'acheter soient ceux qui sont déjà au courant de la chose, et non pas ceux qui achètent encore des originaux... histoire de récupérer de l'argent des deux côtés de la chaîne. Les utilisateurs ont l'impression d'être les intermédiaires, les pions tactiquement indispensables, juges de la décision de l'ouverture de leur porte-monnaie, ceux pour qui ont se bat... C'est l'impression que l'on a lorsque tout au long de la party, les moniteurs crachent de ci de la - chaotiquement et sans concertation préalable - des tubes des Spice Girls, des vidéo clips des Guignols de l'Info, une chanson de Queen ; de Gloria Gaynor ou des génériques de films connus. Le sentiment que si l'on essaye de nous mettre de force des chansons dans la tête pour nous y accoutumer, pour nous en imprégner, par de fins dealers internationaux, on se rend capables de contourner la filière classique et d'en profiter parallèlement. Enfermé dans une petite boîte remplie de circuits imprimés, même du U2 deviendrait presque écoutable : pour le symbole, et non pas pour sa qualité musicale. Un retour aux sources : de la musique en boîte, diffusée en boîte, finissant en boîte. Les démos et diverses productions ne se lassent d'ailleurs pas de se moquer et de parodier les différents symboles et clichés de ce genre musical, de leurs clips moulés et produits en chaîne.

Les écrans ne diffusent pas que des produits de basse qualité : à côté, on peut entendre et voir d'autres moniteurs de participants, diffuser ce que LA SCENE ( tel que l'on nomme la réunion des différents acteurs de ce milieu, ou plus explicitement la "scène démo" ) considère comme des valeurs sures, comme des références. Des musiques de vieilles démos dont tous les initiés se souviennent avec une larme à l'œil, se rappelant avec émotion de sa première visualisation. Des démos ayant marquées leur époque par une technique, une musique ou un design révolutionnaire, que l'on s'est repassées de nombreuses fois en se demandant "mais comment ils ont fait ?!!?". Que l'on en diffuse une et son voisin de face ou de derrière se retournera en disant : "Ah ! State of the Art ! C'est juste la musique ou la démo entière ?"; et comme on se sent entre connaisseurs, d'en lancer une autre pour le tester, en l'interrogant du regard pour qu'il vous réponde après deux secondes d'hésitations : "Euh... Nine fingers !".

C'est une véritable micro-culture comme il y en a dans toutes les passions et chez beaucoup de collectionneurs. Une culture alternative croisée à la culture générationnelle ( où l'on peut rencontrer de nombreuses personnes connaissant Dead Can Dance ) . La copie devient alors un moyen de perpétuer le souvenir : une heure de présence dans une telle salle permet d'entendre et de voir une moyenne de dix génériques de notre enfance tels que "Les citées d'or", "Cat's Eyes", "La minute d'Hitchcok", "X-Or", "Bioman", "Les inconnus", "La guerre des étoiles", "Albator", "Tom Sayer", et tant d'autres sauvés de l'oubli par leur digitalisation, leur numérisation et leur accessibilité à la portée d'un simple clic. C'est un moyen de survie d'une culture destinée à mourir, mais dont on souhaite l'immortalisation car elle fait partie de notre passé. D'entendre ces ancêtres s'exprimer de partout et régulièrement leur redonne une vie réelle. Sans ces techniques, il serait nécessaire de payer ou de retrouver les cassettes vidéo, leurs numéro de série, de s'organiser de fastidieuses séances magnétoscope. Alors que désormais, quand on le désire, un simple double clic sur le fichier "Boubouman - Episode N°7" suffit à le faire démarrer illico presto, sans temps d'attente ni rembobinage. Si l'on en a marre, un autre clic suffit à l'interrompre. L'ordinateur permet de se construire sa propre encyclopédie multimédia personnelle. D'y stocker nos références, nos séries cultes, une partie de notre histoire. Sous la forme de vidéos, de musiques, de textes ou d'images. La machine devient alors un reflet de nous même, une image de soi. Impression amplifiée par la présence dans son disque dur de nombreuses œuvres personnelles de tout type : des dessins, des photos souvenirs, des archives, des mondes virtuels entiers. Cela induisant chez certains un comportement fétichiste, ayant horreur que quelqu'un d'autre touche à sa machine, de peur d'un accident de manipulation. L'objet devient précieux, un jardin secret jardiné consciencieusement. Voir un inconnu venir admirer nos plates-bandes en s'emparant de la souris et vous demandant : "Alors, qu'as tu de beau ?" peut horripiler. Celui ci, prudent - et respectant ce caractère - vous demandera rapidement si vous n'en faites pas ce caractère.

Ce genre de réunions est l'occasion de voir des machines improbables, fonctionnant par une opération du Saint Esprit au vu du dénudement des câbles. Cette colonne vertébrale de l'ordinateur, son vecteur d'électricité indispensable exposé à la poussière, à l'électricité statique, aux mauvais coups, mais qui fonctionnent... ou pas. Si un jour vous voyez quelqu'un penché au-dessus d'un bloc en métal creux remplis de petits réseaux de fils de toutes les couleurs, en train d'y agiter frénétiquement un papier ou un journal , ne le prenez pas pour un fou : son processeur aura été victime d'une légère surchauffe, et il sera en phase d'accélération manuelle de la procédure de refroidissement, pour pouvoir la rallumer au plus vite. Cette architecture permet néanmoins de modifier les entrailles de sa machine facilement. Une optique de bricoleur, qui modifie et surmodifie ses périphériques régulièrement, y ajoutant de nouveaux lecteurs, changeant de carte graphique aux besoins, branchant et débranchant régulièrement scanners, disques durs, graveurs cd, modems. Tant de petites extensions censées venir se loger à l'intérieur de l'ordinateur ; mais quand il n'y a plus de place, on se trouve obligé d'éradiquer le boîtier d'origine, ou d'en reconstruire un en carton et en bois par exemple..., ou dans une valise contenant tous les accessoires nécessaires dans les poches latérales. On croise régulièrement dans les allées des machines personnalisées par leur peinture fluo, en tenue de camouflage, ou recouvertes de surfaces brillantes, d'autocollants, de tags.

Le système de la copie est aussi pratique qu'une boîte de Pandore : quand on donne, on ne perd rien. Juste un peu de temps et d'attention pour récupérer son cd. L'information croit et se démultiplie continuellement. Il arrive d'entendre une exclamation du genre : "Oh ! Un original ! Mon Dieu ! Ce n'est pas un cd jaune ! Tu es sur que tu n'as pas fait une reproduction de la jaquette ? Qu'il est joli le petit !". On est tout au plaisir de se sentir plus malin que la société. On se le permet car on sait l'expansion incontrôlable, la tranquillité et l'impunité garantie. Si les juristes et politiques du monde entier ne sont pas prêts d'aboutir à un accord juridique commun, les consommateurs eux, se sont déjà tous unis dans la copie. Il existe entre tous les rebelles une fraternité qui n'existe pas du côté de ceux qui dirigent et imposent. Si tous les gouvernements n'agissent et ne gouvernent pas de la même manière, ceux qui les subissent sont tous d'accord que ce n'est pas la bonne. Tous les rebelles sont les mêmes. C'est une fois qu'ils ont gagné qu'ils se battent entre eux.

C'est un milieu qui vous détecte un appareil photo numérique au doigt et à l'œil. Ce doit être le bip au moment du flash qui leur met la puce à l'oreille...

Les nuits sont les meilleurs moments d'une party... la salle plongée dans le noir, éclairée par le projecteur diffusant des démos non-stop et l'écran des moniteurs de ceux qui ont choisi de veiller, ou qui le doivent : devant rendre leur production avant le matin, sept heures, dernier délai, ils bossent toute la nuit les yeux penchés sur leur moniteurs, ou dans le viseur d'une caméra prêtée par le voisin pour l'occasion. Le lieu est plus calme, le chaos de musiques diverses s'est apaisé... elles sont désormais moins nombreuses, moins fortes, et donc plus distinctes dans la pièce. Environ la moitié des participants restent alors, embarqués ensemble dans le bateau de la passion, sur les flots de la nuit, noire comme ceux de café et de coca ingurgités... quand la buvette n'est pas fermée. D'où des rassemblements autours des ampoules hautes de celle ci pour se lamenter en cœur sur cet horrible malheur, sur cette situation catastrophique :) .
Un smiley est à regarder la tête penchée sur la gauche, et l'on peut alors y voir une face souriante, les deux points sont les yeux, le tiret le nez, et la parenthèse est la bouche ; par exemple :-) Régulièrement utilisé sur Internet pour compenser, pour adoucir un propos qui pourrait être mal interprété, pour symboliser la joie ou quelque chose de rigolo. Déjà régulièrement utilisé en dehors de ce média entre personnes qui savent qu'elles vont se comprendre. C'est un symbole linguistique universel, une aide à la communication inter-langues si courante sur le net. Il est comme un langage des signes écrit. Dans la vie courante, la rencontre de deux étrangers baragouinant l'anglais conduit généralement à utiliser le langage animal qui est celui de l'expression corporelle, des attitudes, des grimaces caricaturales. De se faire comprendre par la manière de les dire. Internet a réinventé cela par écrit et :-) est donc joyeux, :-( triste, ;-) fait un clin d'œil, :*/ a la larme à l'œil, :-* fait un bisou et : # a trop bu hier soir... Si Internet prend vraiment l'ampleur qu'on lui prédit, le smiley pourrait s'implanter comme ponctuation internationale, au même titre qu'une virgule ou un point.
Justement, lorsque au cours de la nuit, le manque de présence autour de soi donne envie de se regrouper, on se retrouve ensemble, chacun sur sa propre machine mais sur un même forum de discussion, en temps réel, ou l'on rencontre des coréens, des canadiens, des suédois, des australiens, des africains. Comme tous les humains quand ils se retrouvent dans la pénombre, les voisins de tables se regroupent autours des lumières de la vie : celle de son moniteur, des LEDs et voyants rouges, jaunes et verts de son Unitée Centrale, ceux de son modem, petits indicateurs de la présence d'une porte - quasi dimensionnelle - grande ouverte sur le monde. Alors que nous sommes physiquement enfermés dans une grande pièce gardée à l'entrée par un vigile de nuit, dans une ville endormie, aux côtés d'autres qui ont étés courageux, mais qui vaincus par deux jours de veille, sont la tête assoupie sur leur console éteinte.
A quoi voit-on qu'un démo-maker est endormi ? Quand sa machine est éteinte. Celles qui le sont avec tout leur matériel encore étalé, et qui ne servent pas d'oreillers, témoignent que leur propriétaire est monté à l'étage pour se recharger dans une position plus confortable, dans un duvet pour ceux qui ont pensé à tout, ou dans leur voiture. C'est l'occasion de rencontres dans la fraicheur de l'extérieur, et du réconfort d'une pause cigarette devant la porte ( tapissée d'ailleurs au matin d'un monceau de petits bouts de papiers jaunes ), de se dire que tant qu'on est là, autant causer : "alors tu tourne sur quoi toi ?", "tu utilises quels logiciels ?", "tu connais celui là ?", et la conversation de tourner rapidement sur d'autres sujets, et de découvrir par l'occasion quelqu'un d'intéressant, avec lequel on a d'autres points en commun. D'appeler le vigile pour pouvoir rentrer, de se faufiler dans la salle, de voir la buvette ouverte, de s'offrir le café tant espéré, de retourner dans la salle principale toujours sombre mais agitée par un courant léger et continu de machines bourdonnantes, de joueurs, de cd se faisant copier, de programmeurs, musiciens et graphistes avançant doucement dans la préparation leur œuvre, qu'ils devront rendre dans les délais impartis. C'est à dire toujours trop tôt par rapport au moment où l'on s'est décidé à s'y mettre, après deux jours de fête eux même postérieurs à de bonnes résolutions. Cela fait plaisir de voir sur les différents moniteurs des bouts d'effets, de voir la fabrication d'un dessin que l'on verra projeté le lendemain. De voir des morceaux de projets, dont la teneur finale sera révélée d'ici quelques heures. "Mais que nous concoctent-ils ?" se demande-on. La présentation finale est attendue comme un dessert. Les aperçus que l'on en y font flotter une aura de mystère. On remarque qu'untel programme en AMOS notre propre langage, que tel autre utilise un logiciel auquel on s'intéresse, qu'un autre groupe de démo-maker venant de loin à l'air d'être très doué en animation 3D. Que tout cela sera soumis au cours de la journée aux votes du public. Qu'ils le font pour nous, pour la "Party" dans laquelle on est plongée. Que son nom figurera dans la production, et sera largement diffusée dans les mois à venir si elle le mérite, portant en elle la mémoire de sa conception : "Orblivion Party 2", "present at Ukonx 3", et autres "Slashs Partys". Si l'on en retrouve une plus tard dans un cd ou chez quelqu'un, on pourra se dire : "j'y étais".
On va faire un tour à la table où s'est installé notre nouvel ami - il faut bien repasser aux choses sérieuses -, l'espace d'une demi-heure, le temps qu'il nous présente ce qu'il a dernièrement découvert comme logiciels intéressant, originaux, dignes d'attention dans le flot de données prolixe qui s'offre continuellement à nous. Il en fait de petites démonstrations d'initiation pour accélérer notre prise en main une fois qu'on l'aura recopié, sans devoir plonger dans un aride mode d'emploi. Moment où une personne est contente de montrer ses compétences, son expérience, où l'autre est heureuse de les acquérir. Puis un naturel retour d'invitation. Comme si l'endroit ou sont positionnées nos machines étaient notre "chez nous" le temps de la party, ou il y a toujours une chaise de libre. Comme une rave dont tous les participants seraient consommateurs de drogue et dealers de drogue différentes. Tout le monde s'intéresse. Sachant que l'on a encore du pain sur la planche : de nombreuses données à trier, tester, et copier sur son disque, on s'en va gaiement s'acheter un café pour cela, ainsi que deux croissants chauds et un jus d'orange que l'on va poser sur sa table. Les premières lumières de l'aurore font leur apparition derrière les Velux. Et l'on commence à faire ses courses dans le dernier Cd rom récupéré de la main droite, tout en mangeant avec la gauche. Ce sera le moment précis, dans la bonne odeur du petit déjeuner et les doigts graisseux, que choisira votre voisin de table pour nettoyer son moniteur avec un chiffon et du produit lave vitre, et dans son extrême gentillesse, d'en faire profiter les vôtres par la même occasion, tout en vous grondant sur la manière de vous en occuper. Le même voisin vous aura fait largement profiter de la qualité de ses écouteurs sans fils infrarouge, pour visionner avec lui des démos a musique stéréo. Les casques sont assez courants, permettant une immersion plus totale dans un autre univers. Les premiers duvets redescendent, l'esprit rivé vers la journée à venir, rallument leur machine. Les comateux sur leurs claviers, eux, restent endormis. C'est l'heure des jeux simples : de petites parties en réseau de South Park, ou l'on se met à la place de Kenny et d'un autre de ses "amis" en trois dimensions, qui se bat contre des poules géantes et d'autres joueurs à coup de boules de neige. Tous les ordinateurs étant reliés entre eux grace à un réseau interne, sponsorisé par France Telecom pour l'occasion, les parties réunissent des postes et des personnes éparpillées dans toute la salle. Suivre la bataille dans son intégralité est impossible, même s'il est possible de trouver un endroit d'où l'on voit une majorité de moniteurs de joueurs. Durant toute la nuit d'ailleurs, les concours de jeux en réseau ont fait rage, mais généralement dans un tel silence qu'on les oublie. Seul un cri de victoire poussé simultané à d'autres de rage, démontraient à l'occasion que de grands affrontements avaient lieu, que des civilisations entières se sont créées et se sont affrontées dans de titanesques batailles.

Les démo-makers rendent maintenant leurs créations. L'indispensable participant à la baguette au sauciflard et comté de Moldavie annonce l'approche de midi. Les premières projections ont lieu. On vote. Ce sera le régime de la dernière journée : projections, votes, pauses. Jusqu'à la remise des prix. Un des concours ayant été de dessiner un lapin en vingt minutes ( le Flash-Rabbit ), son gagnant reçoit une... peluche de lapin ! Les gagnants de la catégorie reine, la démo, gagnent un pc complet dernière génération, offert comme la plupart des autres lots informatiques, par une petite boutique du coin, dont on applaudit le représentant un minimum pour ne pas être indécent, et pour qu'il renouvelle l'expérience. La gagnante des animations en trois dimensions ayant été un véritable chef-d'œuvre - une réalisation sans faille d'un cartoon désopilant allant à fond la caisse, d'une qualité dont on n'imaginait pas qu'une "petite" démo-party puisse profiter, mais que l'on espérait tout de même - recueille un concert de mains. Et l'on se quitte rapidement car de longues heures de routes en attendent beaucoup, que l'on est épuisé, que la salle va devoir être nettoyée et rendue, et qu'il est déjà tard... mais en se promettant de se retrouver l'année suivante.

Une démo-party est l'occasion d'une débauche technique et technologique à usage récréatif. Les participants sont généralement assez ouverts d'esprit : ils s'intéressent toujours à tout ce qu'on leur présente sous la forme de fichiers : culture, cinéma, livres, histoire, sciences, techniques. Un média plus attirant que l'école, et plus interactif qu'un reportage. Tels qu'un passionné de timbre apprend beaucoup par leur collection.
Des personnes présentes, un quart en fera sa profession, postulat déjà réalisé pour un autre quart. Un tiers sont des vieux de la micro, un autre tiers de jeunes débutants. La moitié ont des Amiga, l'autre des Pc. Un seul et unique est un "traveller micro". Vivant de peu, de sa machine bricolée, et surmodifiée ; d'origine espagnole, ne parlant qu'Anglais, il tourne en Europe de démo-party en démo-party, son disque dur étant un temple de la scène d'autrefois et des programmes qui peuvent encore tourner sur sa machine. Il semble être le plus sage de tous, emportant sous son bras et dans sa voiture, un univers tout entier.

Je devrais être habitué à tout cela depuis le temps, mais l'amour de la vie me fait voir le monde à travers les yeux d'un enfant qui le redécouvre constamment, émerveillé par ses couleurs, sa folie, son originalité et ses charmes.
Je n'ai fait qu'une seule démo party, mais je me permet d'extrapoler ce qu'elles sont en général par ma connaissance des gens, des démos, des machines, de tout ce que j'avais lu de ces évènements qui se sont révélés vrais, et pour lesquels j'y suis allé. Toutes ces descriptions ne sont pas exhaustives, j'aurais voulu présenter encore bien d'autres aspects, mais il faut bien s'arrêter un jour.
L'informatique et la scène démo ne sont que deux passions parmi une infinité d'autres. Mais les schémas comportementaux sont souvent les mêmes : je trouve que rien ne ressemble plus à deux passionnés de vieilles locomotives qui se rencontrent, que deux passionnés de techno, de vins, de délicates questions métaphisicophilomystique, de jeux de société, de vieilles voitures ou de timbres qui se croisent. Le plaisir pris à être entre initiés, est indépendant de ce à quoi on est initié. C'est le plaisir de se sentir fort car on est en groupe, après avoir pu être pris comme un marginal. Qu'une réunion ait comme sujet la musique classique, la techno, un jeu de carte, les maquettes, les comédies musicales, les Harley Davidson, les films de série Z, les mangas ou la peinture sur œuf de poule, elles auront toutes un peu la même âme, qui nous permet de mieux comprendre les envies et motivations de nos semblables, même si le sujet d'intérêt est lui, différent.


Doc T-Bo
Photos prises à l'Ukonx Party 99 / Vesoul